Mario Fauteux nous parle des crues de la rivière du Nord – souper confiné – jour 42, le 13 mai 2020

La rédaction de TopoLocal 2 commentaires

Voilà maintenant plusieurs jours qu’on partage un repas ensemble. Si c’est votre première fois, vous pouvez lire nos rendez-vous précédents.

Voici donc le «souper confiné» du jour. Nous vous en présentons du lundi au vendredi en ces temps de pandémie. Aujourd’hui, on a confié la tâche de ce souper à un invité.

Si vous voulez contribuer à la réflexion, vos plats sont les bienvenus à [email protected].

Notre invité aujourd’hui est Mario Fauteux. Outre ses 32 ans à titre de technicien en pâtes et papier au département de recherche et développement à la compagnie Rolland, Mario Fauteux a aussi été impliqué en politique à divers niveaux. Il a notamment été conseiller municipal à Saint-Jérôme de 2013 à 2017, où il était responsable du dossier environnement. Pêcheur et amateur de plein air, il a été actif au sein de divers organismes consacrés à la nature. Il est un des cofondateurs de la Fondation de l’eau Rivière du Nord. Il a répondu à notre invitation de TopoLocal pour nous parler de la rivière.

Aujourd’hui, j’ai le goût de vous parler de notre rivière, qui traverse bien des municipalités des Laurentides, dont la mienne, Saint-Jérôme. Elle tire sa tête d’eau au lac Brulé dans le secteur de Sainte-Agathe-des-Monts, son embouchure se retrouve au sud, à Saint-André-d’Argenteuil, dans la rivière des Outaouais.

Il faut considérer le bon dénivelé dans la portion Nord (Sainte-Agathe – Saint-Jérôme), car ces caractéristiques géographiques s’avèrent importantes lors de la crue des eaux. Pour la rivière du Nord, c’est au sud, au pied de la rivière, que le dégel des glaces s’effectue en premier. Le dégel de sa tête, étant plus au nord, s’effectue plus tard.

À l’inverse pour les rivières Richelieu, Nicolet, Yamaska, Chaudière, leurs têtes de lac sont plus au sud et leurs arrivées dans le fleuve Saint-Laurent sont plus au nord. Les têtes de ces rivières dégèlent en premier, alors que ces rivières sont encore gelées à leurs pieds, d’où le phénomène des embâcles des glaces sur ces rivières qui se forment pratiquement à chaque année contrairement à la rivière du Nord.

Ce phénomène, bien que spectaculaire, cause beaucoup plus d’ennuis aux riverains du secteur Sud du Saint-Laurent, que du secteur Nord.

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Embâcle sur la rivière Nicolet
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Embâcle sur la rivière Yamaska

La crue des eaux et les inondations

En 2017 et en 2019, nous avons connu des niveaux inégalés d’inondations, en particulier au pied de la rivière du Nord à Saint-André-d’Argenteuil. Certains quartiers, qui n’avaient jamais été inondés, l’ont été ces années-là.
Certains vont prétexter les changements climatiques, mais je crois qu’il y a une autre explication. Elle réside dans notre capacité d’absorber les crues.

Le débit moyen annuel de la rivière du Nord est de l’ordre de 20 à 25 mètres cube à la seconde. En période de crue, c’est-à-dire du 1er avril au 31 mai, le débit va jusqu’à quintupler. Voici quelques années marquantes, avec des crues très importantes dont on se souvient, en 2017 et en 2019.

Moyenne journalière du 1er avril au 31 mai

  • 1960 = 79.5 m³/sec.
  • 1979 = 71.9 m³/sec.
  • 1981 = 64,2 m³/sec.
  • 2008 = 80.1 m³/sec.
  • 2017 = 99.2 m³/sec.
  • 2019 = 106.6 m³/sec.

Un point de saturation

Résultat: comme une éponge, la rivière des Outaouais, qui reçoit l’eau de la rivière du Nord, ne peut plus l’absorber et déborde de partout après ces nombreuses journées à fort débit.

Un peu comme si je vous demandais de caler d’un trait un grand verre d’eau de 20 onces. C’est faisable une fois, mais si je vous demandais d’en caler 5 de suite?

Dans un cas comme dans l’autre, le débit qui va passer dans le gosier va être le même, mais dans le 2e cas, bien avant le 5e verre, la quantité ne pourra plus être ingérée aussi facilement et va refouler quelque part!

L’urbanisation a changé notre territoire

Qu’est-ce qui pourrait expliquer que la moyenne journalière soit aussi élevée en 2017 et en 2019, par rapport aux années antérieures?

La réponse pourrait bien venir de l’urbanisation. Le plus bel exemple nous vient du boulevard Jean-Baptiste-Rolland à Saint-Jérôme, direction ouest. Avez-vous remarqué toute l’eau qui s’écoule dans ce fossé au printemps?

Photo datant de 2019 au coin du boul. Jean-Baptiste Rolland et de la rue Radisson (Photo Mario Fauteux)

Cette eau, surtout lors de bonnes pluies qui accompagnent le dégel, provient des magasins à grandes surfaces et des stationnements en asphalte qui s’y rattachent, occasionnant une quantité considérable d’eau qui se dirige rapidement à la rivière. En 1960-80, c’était des boisés, des terres agricoles et des milieux humides qui se trouvaient à ces endroits et qui se chargeaient d’absorber ces masses d’eau en grande quantité.

Sur cette photo de la compagnie Rolland en 1982, il n’y a pas encore de magasins à grande surface en bordure de la 15 et de la rue Brière, ni de lien vers le centre-ville via le boulevard Jean-Baptiste Rolland. ( Photo Société d’Histoire de la Rivière-du-Nord, Archives Rolland. )
Cette photo qui date de 2017 montre à quel point le secteur est maintenant tapissé d’édifices et de stationnements. Ce développement signifie que moins d’eau est absorbée dans le sol pour plutôt être dirigée, par le biais des égouts pluviaux, vers les cours d’eau. ( Photo Mario Fauteux )

Un effet de saturation

Répétez ces développements tout au long de la rivière et vous arriverez assez vite à l’image de vos 5 grands verres d’eau et plus! Vous comprenez maintenant pourquoi les municipalités ont maintenant l’obligation d’atténuer ces effets néfastes, en construisant des bassins de rétention dans les nouveaux quartiers. Aussi pourquoi les citoyens se doivent de diriger, le plus possible, l’eau des gouttières de maison vers le terrain gazonné, plutôt que dans l’entrée asphaltée et dans la rue.

La protection des espaces verts et des milieux humides se veut essentielle et cruciale, car si on n’agit pas maintenant, des secteurs importants vont se transformer en zones inondables dans les années à venir.

Dans un prochain article, je me propose de vous parler de l’eau potable et des espaces verts.

Mario Fauteux

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2 réflexions à propos de <i>Mario Fauteux nous parle des crues de la rivière du Nord – souper confiné – jour 42, le 13 mai 2020</i>

  1. Le 27 avril 2019 la rivière du Nord a atteint un débit de 320 mètres cube/seconde. La moyenne de Mai n’est pas vraiment représentative de la vraie crue des eaux de 2019. Lors des crues, on se soucie beaucoup de voir les inondations où la rivière déborde et entre dans les sous-sol mais une autre inquiétude est plus flagrante car même si notre rivière monte et ne déborde pas, les sous-sol sont souvent infiltrés par la nappe phréatique. Gros inconvénient qui n’est pas abordé et pas connu de nos autorités. Les dommages créés par ces infiltrations sont aussi onéreux que ceux causés par les déversements des eaux dus aux crues. Le sol, comme une éponge, se remplit d’eau et s’infiltre dans les fondations de nos maisons… Cette année, le pic de débit de la rivière a été atteint le 14 avril avec un débit de 206.83 mètres cube/ seconde lors de la première crue de la rivière et n’a pas dépassé 187.58 mètres/seconde le 2 Mai lors de la deuxième crue annuelle de la rivière. Les pompes s’installent chez moi dès la mi-avril par mesure de précaution et sont retirées à la mi-Mai. Cette année, aucune infiltration d’eau, les pompes sont restées muettes. Ce sont là les inconvénients d’une riveraine lorsque la rivière du Nord s’emballe à l’occasion mais le reste de l’année l’île Perreault est un endroit paradisiaque au centre-vile de Saint-Jérôme.
    Murielle Provencher, riveraine île Perreault Saint-Jérôme.

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    • Qu’il est beau en effet ce coin de la ville avec les rues voisines Saint-Faustin, Sigefroy, de l’Érablière, etc. et à deux pas l’Ile-Idéale qui mérite bien son nom.

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