Les maires de la MRC Rivière-du-Nord Stéphane Maher, Bruno Laroche, Xavier-ANtoine Lalande, Louise Gallant et Paul Germain.

Les maires de la Rivière-du-Nord ne veulent pas s’opposer au BAPE ou au ministre de l’Environnement

Charles Michaud 3 commentaires

Deux groupes environnementalistes ont demandé aux maires de la région d’envoyer au ministre de l’Environnement Benoit Charette « un message fort » pour lui dire qu’il est aberrant que la municipalité régionale de comté(MRC) de la Rivière-du-Nord se voit confirmée comme une grande importatrice des déchets de la région métropolitaine. 

Les porte-parole, Normand Beaudet de la Coalition Alerte à l’enfouissement Rivière-du-Nord (CAER) et Marcel Gosselin, d’Action environnement Basses-Laurentides (AEBL), ont remercié les maires d’avoir écouté, mais ils sont repartis bredouille. 

Les maires de la région refusent de s’engager par voie de règlement à réduire le nombre de tonnes enfouies dans les années à venir dans le vaste dépotoir de Sainte-Sophie. Les maires préfèrent « choisir leurs batailles » pour reprendre les mots du préfet de la MRC et maire de Saint-Hippolyte, Bruno Laroche.

Réunis pour la rencontre mensuelle du conseil de la MRC, Louise Gallant de Sainte-Sophie, Paul Germain de Prévost, Xavier-Antoine Lalande de Saint-Colomban, Bruno Laroche de Saint-Hippolyte et Stéphane Maher de Saint-Jérôme sont unanimes. Les maires ont indiqué que peu importe l’avis de la région, le ministre de l’Environnement invoquera sans doute le poids des besoins des régions environnantes pour imposer à la région le volume actuel de un million de tonnes par an.

« Ce n’est pas une question idéologique. C’est une question de système, c’est comme ça que ça fonctionne », a dit le maire de Prévost Paul Germain. Un point de vue qui fait consensus chez ses collègues. 

La loi accorde un mot à dire aux MRC, mais… non!

La Loi québécoise sur l’environnement prévoit qu’une MRC peut adopter un règlement pour limiter ou interdire l’enfouissement sur son territoire de matières résiduelles provenant de l’extérieur de son territoire. La MRC est tenue d’adopter ce règlement selon son Plan de gestion des matières résiduelles(PGMR).

Cependant, si les régions avoisinantes font face à une crise de gestion des déchets, bref si elles n’ont plus de place pour les mettre, le ministre a le pouvoir de ne pas retenir l’avis de la MRC. Les maires estiment donc que l’exercice ne donnerait rien, ou du moins, si l’on en croit les paroles de certains d’entre eux, qu’il vaut mieux négocier « par en dessous ».

Agrandir un dépotoir né en 1964

Le dépotoir de Sainte-Sophie existe depuis 1964. Il a reçu environ 20 millions de tonnes de déchets depuis son ouverture. La compagnie Waste Management, qui en est l’actuel propriétaire exploitant, demande un prolongement de 18 ans et demi de son permis d’enfouissement, c’est à dire de 2022 à 2040, à raison de un million de tonnes de déchets par année.  L’agrandissement va considérablement augmenter son étendue actuelle.

Le Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE) a tenu des audiences publiques à Saint-Jérôme en janvier et février 2020. Dès la première phrase de sa conclusion rendue publique en mai de cette année, le BAPE affirme que le projet est justifié parce que la région de Montréal va manquer de capacité d’enfouissement.

« Au moins laissez l’odieux à Québec… »

Marcel Gosselin a demandé aux maires d’au moins prendre la parole pour dénoncer la situation. « Vous savez que 95% des déchets qu’on dépose à Sainte-Sophie viennent d’en dehors de notre région. On ne peut pas continuer à se laisser remplir en se disant simplement que les autres ont des besoins. Il faut que vous preniez la parole et que le ministre force aussi les autres régions à prendre elles aussi leurs responsabilités. »

Mais les maires ont clairement dit qu’ils n’entendent pas broncher. Le maire de Prévost Paul Germain est même allé plus loin:  « Je vais vous dire,  sortir et brasser ça serait probablement rentable politiquement, mais on sait que de toute façon ça va finir avec un décret, a-t-il lancé. Tant que la MRC ne sera pas un modèle, je nous vois mal fermer le robinet aux autres. On a des discussions, on fait ça par en dessous. Mais en faire un enjeu politique, y’a personne qui est gagnant là-dedans… »

Le préfet de la MRC Bruno Laroche a tenté de clore la discussion en invitant les deux porte-parole à agir auprès des citoyens qui ne réduisent pas leurs déchets plutôt que de s’en prendre à la position des maires.

La poubelle de Sainte-Sophie déborde… de déchets venant de Montréal

Dans les documents de Waste Management et même dans ceux du BAPE, on écrit toujours que le dépotoir de Sainte-Sophie dessert « les Laurentides, Lanaudière, Montréal et Laval ».

C’est vrai si on classe les sources de déchets par proximité. Mais au volume, la réalité c’est que près de 95% des déchets ensevelis à Sainte-Sophie viennent de l’extérieur de la région. On devrait plutôt lire, dans l’ordre, que les déchets proviennent du grand Montréal, de l’Outaouais, des Laurentides et de Lanaudière. Les proportions, selon les données de 2015, sont les suivantes: la région métropolitaine de Montréal 82%, l’Outaouais 8%, les Laurentides 6% et Lanaudière 5%.

C’est dire que si le dépotoir de Sainte-Sophie ne servait qu’à son territoire, il aurait la capacité de servir la région pendant des siècles.

La présence du dépotoir rapporte aux coffres des municipalités 

Les municipalités de la région profitent largement de la présence du dépotoir de Sainte-Sophie sous forme de revenus directs et de tarifs réduits pour l’enlèvement des ordures.

Évidemment, Sainte-Sophie touche la plus importante compensation financière. La municipalité touche une redevance directe de 1,09$ par tonne de déchets, ce qui correspond à un million de dollars annuellement. Sainte-Sophie touche aussi 100 000$ par an en taxes municipales applicables au terrain du dépotoir. C’est 5,7% du budget de Sainte-Sophie, qui est de 19,1 M$ en 2020.  Grosso modo, un contribuable de Sainte-Sophie qui paie 1000$ de taxes annuellement paierait environ 57$ de plus par année sans l’apport du dépotoir. D’ailleurs, la mairesse de Sainte-Sophie est restée muette durant l’intervention des deux porte-parole.

Pour sa part, la MRC Rivière-du-Nord reçoit 60 000$ par an de Waste Management, un montant qui sert à défrayer… le coût de son PGMR. 

Enfin, les municipalités de la région profitent d’un tarif escompté pour l’enlèvement des ordures qui représente 21,47$ la tonne. Cela représente une économie annuelle de 74 000$ pour Prévost, 108 000$ pour Saint-Colomban, 69 000$ pour Saint-Hippolyte, 550 000$ pour Saint-Jérôme et 112 000$ pour Sainte-Sophie.

close

Et si on vous envoyait nos nouvelles le samedi matin?

On est là pour vous informer.

Vous pourrez vous désinscrire quand vous voudrez, ou changer la fréquence de vos envois.

Vous voyez de l'information inexacte dans cette page? Dites-le nous!

3 réflexions à propos de <i>Les maires de la Rivière-du-Nord ne veulent pas s’opposer au BAPE ou au ministre de l’Environnement</i>

  1. Très bel article, clair concis et explicatif de la situation tragique que la MRC vit avec le dépotoir de Sainte Sophie.
    Il est grand temps que l’ensemble des maires s’engagent et dénoncent cette situation inacceptable.

    Répondre
  2. Ce problème: un symptôme de notre société malade de sa consommation excessive et aveugle à ses conséquences. Très bon article.

    Répondre
  3. À quand le détournement des déchets organiques de ce dépotoir ? La science est très au fait quant au danger des gaz qui s’échappent de cette montagne de décomposition mêlé au matériaux de toutes natures. C’est un fait et la documentation démontre l’inertie de ces exploitants de l’enfouissement devant ce mélange qui menace la santé publique. Un ancien site de détritus a nécessité l’intervention du Service des Incendies de St-Jérôme à quelques reprises pour des feux spontanés sous terrain (un ancien dépotoir de produits industriels). Site qui se situait à proximité de résidents qui ont dénoncés le fait dans les journaux. Ce n’est qu’un exemple qui reflète le laxisme du Ministère de l’environnement devant ces lieux contaminés. Comme c’est à l’exploitant de ce site d’enfouissement de produire des rapports d’états des lieux, comment le Ministère de l’environnement peut avoir une analyse indépendante des émanations et ruissellements que peut produire ce site ? Une bombe à retardement pour les générations futures de la région qui doit recevoir des déchets de la grande région de Mtl ! Exigeons des analyses indépendantes, ça presse !

    Répondre

Envie d'ajouter quelque chose? Les commentaires sont bienvenus ici, mais ils sont modérés.

TopoLocal