Qui habite à Saint-Jérôme depuis des lustres, a vu le visage du hameau se transformer radicalement dans les dix dernière années.
Ne nous mentons pas plus longtemps, une variété de sociétés parallèles se sont implantées, il suffit de se promener dans le centre-ville et au bout de la rue Ouimet pour le constater.
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Des compatriotes qui sont là pour rester
Oui c’est joli d’avoir tous les types de bronzages sous les yeux, cela surprend encore parfois mais, ne vous y trompez pas, comme il est impossible de dissocier l’Amérique du Nord des courants d’immigration qu’elle a connu ( et subi, lorsque des milliers de personnes meurent à Québec avec l’arrivée des Irlandais atteints de choléra ), nos nouveaux voisins népalais ou sénégalais sont là pour rester.
Des valeurs diversifiées
Et il y a la religion. Maintenant morcelée parmi les diverse églises chrétiennes, pentecôtistes, les témoins de Jéhovah et même, une mosquée, encore là, le bon vieux temps de la pensée unique judéo-chrétienne, où le curé dictait la ligne de conduite est révolu.
Bref un paysage plus riche, plus diversifié et, par conséquent, plus compliqué, définit désormais la région.
Les peuples se succèdent, disait le curé Antoine Labelle, mais le nom des endroits restent. ( Cette déclaration a été faite en 1885, à bord du train qui les emmenait, avec son secrétaire Jean-Baptiste Proulx, à Halifax pour s’embarquer pour l’Europe. Lire Cinq mois en Europe ou Voyage du curé Labelle en France en faveur de la colonisation, écrit par Proulx. À noter que c’était avant que la Chute-aux-Iroquois ne devienne Labelle et que le Rapide-à-L’Orignal ne soit converti en Mont-Laurier pour remercier un premier ministre canadien pour services rendus .)
Et c’est pour cela que la mère de Dany Laferrière accepta l’émigration de son fils au Québec, car « [l]es villes ont toutes des noms de saints, ils doivent être très catholiques ». Comprendre que la brave dame associe le catholicisme à la vertu.

Faire mieux que l’Europe
Alors qu’en est-il de notre base judéo-chrétienne ? Doit-on la sentir menacée, comme en Europe ? Il faut ne jamais y avoir mis les pieds ou avoir du jambon sur les lunettes ( truculente expression italienne ) pour ne pas constater la violence qui y règne.
Que ce soit le grand africain qui se colle sur toi pour hurler en arabe dans son téléphone à la gare Montparnasse, le libanais louche qui te taxe à l’entrée du métro, dans ce couloir étroit, inutile de dire qu’un euro est vite donné pour se débarrasser de la potentielle menace et ça, c’est sans parler de l’enfant roumain qui quête avant le départ du train à Saint-Leu-la-Forêt, un bled à 30 kilomètres de Paris, sous l’oeil méchant des plus grands, restés sur le quai, et qui vont le battre s’il ne rapporte pas assez.
À Cagliari, en Sardaigne, chaque coin de rue est squatté par des zingari. Il s’agit d’hommes ou femmes, souvent des femmes avec des enfants en bandoulière qui s’approchent des voitures lorsque celles-ci attendent le feu vert. Ces visages burinés, ces dents manquantes, ces mains tendues, et les menaces à peine voilées, tout est fait pour vous faire donner à ces gens qui habitent d’immenses campements situés souvent entre les embranchements d’autoroutes.
C’est ce qui arrive lorsque l’on ferme les yeux et laisse aller les choses. Devant ces exemples, la question se repose. Qu’adviendra de cet héritage, fortement négligé depuis 55 ans, mais qui sert encore pour ses principales fonctions : la naissance avec le baptême, le mariage, qui joue pour beaucoup dans les alliances de clans et la mort avec les funérailles ? Heureusement que les communautés hispaniques et africaines de la région remplissent la cathédrale le dimanche matin car, sauf quelques bonnets blancs, le Jérômien blanc n’y est plus très assidu.

Une chance unique qui s’offre à nous
Si le visage des villes laurentidiennes a changé, nous avons la chance unique d’être encore au début d’une intégration de masse envoyée par nos copains d’Ottawa. Ne ratons pas le coup comme en France. Ils ont parqué les nouveaux immigrants dans des cités avec rien d’autre à faire que de voir les gaulois dans les maisons autour écluser leur pinard en s’empiffrant de charcuteries. Il faut se rappeler que lorsque que certaines religions ont exclu le porc de l’alimentation, cela a été fait à l’époque où les méthodes d’abattage et de conservation étaient généralement méconnues et souvent meurtrières.
Comme l’alcool leur est interdit, il est difficile que des musulmans embrassent tout de go la culture du nouveau pays sans heurts. Il leur faut alors voir au-delà des premières impressions. Comme le disait si justement le Marius de Marcel Pagnol: « Quand on débarque, tout seul, sur le port de Toulon, la première personne que l’on rencontre, ce n’est pas nécessairement le président de la chambre de commerce. »
C’est en nous connaissant qu’il est possible de leur donner le goût d’être fier d’appartenir désormais à cette terre. Cette même région qui, plus d’une fois, a sauvé la race canadienne française, comme on l’appelait autrefois mais qui est, en fait, une mosaïque de tous les peuples qui ont connu l’horreur et qui l’ont quittée pour ces montagnes salvatrices.
Plus que jamais, cet héritage d’être Québécois peut se partager et créer un sentiment d’appartenance fort et cela, sans distinction d’ethnie ou de foi. Tout comme l’Italie qui, par sa position géographique, est le port d’entrée de l’Europe, ce qui en fait une terre d’accueil, Saint-Jérôme en est à singer Rome.
Souhaitons que tous les nouveaux et les plus anciens Jérômiens ne ratent pas cette rencontre.