Ville sympathique, jolie, pleine de potentiel, cherche dirigeant·e intègre et rassembleur·se

Charles Michaud 6 commentaires

Saint-Jérôme est dans une situation particulière. Un troisième maire, sur les quatre derniers, quitte l’hôtel de ville dans le déshonneur. Il y a, à mon avis, de quoi conclure que Saint-Jérôme a besoin d’un virage décisif dans son leadership. Ce texte est le premier d’une série de quatre. J’y livrerai une réflexion en profondeur sur les enjeux qu’affronte la capitale des Laurentides, et sur la nature de ce virage.

Aujourd’hui, je fais l’historique des jeux politiques qui nous ont mené où nous en sommes, et un bilan de la situation. Mon deuxième texte portera sur les ambitions que nous devrions avoir pour Saint-Jérôme. Dans un troisième texte, je vous offrirai une réflexion sur l’environnement politique requis pour y arriver, et sur le rôle que les citoyens doivent y jouer. Enfin, je ferai un survol des forces politiques en présence, afin de voir s’il y a, sur la place publique, les personnes capables d’amorcer l’important virage requis.

Le titre de cette première partie fait sourire un peu. Il ressemble aux messages des âmes esseulées sur les sites de rencontre. On verra dans les lignes qui suivent que notre ville aurait des raisons légitimes d’avoir mal à l’âme. Et puisque c’est une des responsabilités du maire d’une ville d’incarner son âme et ses valeurs, ce bilan sera celui des maires et des conseils municipaux du passé récent. Les prochaines élections municipales se tiendront le 7 novembre 2021 et cette fois, je suis d’avis qu’il est plus important que jamais de réfléchir avant de choisir.

Je vous dis tout de suite que j’ose rêver. Saint-Jérôme peut être une grande ville, dont tout le Québec pourrait parler, pour les bonnes raisons. Mais pour y arriver, ce n’est pas d’un maire simplement adéquat que Saint-Jérôme a besoin, c’est d’un maire d’exception. Le défi est énorme, et en tant que citoyens, nous avons tous le devoir de réfléchir afin de poser un choix très judicieux.

Je comprends très bien que la politique exige que des idées parfois divergentes s’affrontent. Cela comporte des risques de sombrer dans la partisanerie. Mais il me semble essentiel, plus que jamais, de trouver des leaders qui soient capables de bâtir des consensus.

Je ne parle pas ici de faire semblant qu’on est des bons scouts et de chanter autour du feu de camp. Je parle d’une ville entière qui participe à ses choix de développement et qui en est solidaire. Une ville où les grands dossiers se discutent sans secrets, sans créer de cliques, et sans mépris pour les opinions divergentes. Pour y arriver, notre ville a besoin d’un conseil municipal transparent, solide, composé de gens d’envergure, doté d’intégrité politique et d’une stratégie qui vise l’intérêt de sa population. Et un tel conseil a besoin d’un leader capable d’intégrer toutes ces valeurs.

Les véritables leaders ne sont pas toujours ceux qui gagnent les élections, mais ceux en qui tout le monde voit le meilleur d’eux-mêmes, Ce sont les qualités requises pour mener. L’histoire récente nous enseigne qu’on n’exerce pas de vrai leadership en dressant une liste d’ennemis. L’échec d’Équipe Stéphane Maher-Vision Saint-Jérôme le confirme.

Malgré les échecs politiques de trois maires qui ont quitté dans le déshonneur, Saint-Jérôme est dans une position enviable, mais il reste beaucoup de travail pour en faire une grande ville. Les trois dernières décennies ont été marquées par de la corruption et du cynisme politique. Il s’est installé chez nous une médiocrité systémique.

Pour avancer, il faut savoir d’où l’on vient. Commençons par les leaders, où il faut se regarder dans le blanc des yeux et avouer que ça ne va pas très bien. Des quatre derniers maires de Saint-Jérôme, trois ont contribué de façon bien tangible à noircir la réputation de notre ville et ont alimenté le scepticisme des citoyens: Maurice Prud’homme, Marc Gascon, et plus récemment Stéphane Maher.

Maurice Prud’homme

Maurice Prud’homme est devenu maire de Saint-Jérôme il y a 32 ans, en 1989. Plus de 60% des électeurs éligibles s’étaient rendus voter cette année-là, et Prud’homme avait fait élire sept des huit membres de son équipe. Fait à noter, c’est lors de cette élection que pour la première fois en plus de 150 ans d’histoire, des femmes étaient élues au conseil de Saint-Jérôme. Elles étaient deux, Lorraine Auclair et Huguette Bourdeau. Elles ne tarderaient pas à faire ensemble une forte démonstration de courage politique.

Dans la deuxième moitié de son mandat, le maire Prud’homme a incité une firme de consultants externes à favoriser l’embauche d’un membre de sa famille immédiate à titre de chef comptable de la Ville. Il est également intervenu pour qu’une autre membre de sa famille, stagiaire d’été à la Ville, touche une somme de 500$ alors que tous les autres stagiaires ne recevaient rien. Le scandale a vite éclaté, mis au jour entre autres par les conseillères Auclair et Bourdeau, qui ont claqué la porte du parti du maire et dénoncé ses gestes. Alors que Prud’homme entamait sa quatrième année à la mairie, en décembre 1992, les enquêteurs ont fait une perquisition à l’hôtel de ville et saisi les dossiers pertinents à cette affaire.

Les électeurs ont eu le choix à l’automne 1993 entre cinq candidats: Prud’homme, la conseillère sortante Huguette Bourdeau, le conseiller sortant Jean-Marc Thomas, l’ex-maire d’avant Prud’homme Jean-Claude Hébert, et Denis Germain, un comptable retraité. M. Germain était, comme le faisait remarquer La Presse à l’époque « un parfait inconnu en politique municipale » avant l’élection. Et le 7 novembre 1993, c’est Denis Germain qui a été élu!

Presque deux ans après sa défaite à la mairie, le 31 août 1995, Prud’homme a été reconnu coupable d’abus de confiance, puis condamné à verser une amende de de 6550$ en plus de purger une peine de 150 heures de travaux communautaires. M. Prud’homme avait affirmé à l’époque qu’il ne croyait avoir rien fait de mal et s’était comparé à un joueur de baseball qui aurait échappé une balle. Quant à Denis Germain, il n’a jamais pu compléter son mandat. Malade, il a dû quitter en 1995. Il reste que Denis Germain, cet outsider politique, est le seul maire des trente dernières à ne pas avoir entaché la politique municipale.

Marc Gascon

En 1995, Marc Gascon a succédé à Denis Germain. Gascon avait été un militant péquiste et un collaborateur du député et ministre Daniel Paillé, un des trop rares véritables rassembleurs à être passés dans notre région. Gascon avait attiré l’attention de plusieurs pour son sens de la synthèse et de l’analyse, et sa compréhension des dossiers complexes.

Mais dès son entrée en politique municipale, son entourage était peuplé de faiseux d’élections et de courtiers en influence. Gascon n’a pas eu le courage politique de refuser le chemin facile qu’on lui ouvrait pour la mairie. Sous sa gouverne, Saint-Jérôme s’est alignée parmi les vedettes de la corruption. Nous sommes devenus une sorte de succursale du cercle de collusion qui a régné sur Laval et toute la rive nord. Laval, Mascouche, Terrebonne, Saint-Jérôme et quelques autres villes faisaient les manchettes.

Favorisé par la désunion et la désorganisation de quatre villes fusionnées de force, profitant d’une rotation de cadres qui a laissé bien des services de la ville sans mémoire et sans vraie culture organisationnelle, le régime Gascon a duré dix-huit ans. Les maigres coups de filet qui ont suivi la commission Charbonneau n’ont certainement pas encore capté tous les tricheurs de cette triste époque.

La pression est devenue tellement forte que dès la fin de 2010, Gascon, qu’on pouvait voir comme une étoile montante en politique, démissionnait de son poste de président de l’Union des municipalités du Québec(UMQ), renié par plusieurs dont notamment le maire de Québec Régis Labeaume, qui jugeait que la présidence de Gascon privait l’UMQ de toute crédibilité.

En 2011, Gascon a été largué par six des conseillers de son équipe, soit Robert Carrière, Martin Pigeon, François Boyer, Tommy Kulczyk, Luc Savoie et Michèle Céclier. Désormais en minorité au conseil, Gascon et son équipe sabordent leur parti politique et décident de siéger comme indépendants. Malgré tout, Gascon est resté au pouvoir jusqu’en 2013, même s’il a terminé son mandat à la mairie dans l’indifférence et le rejet de presque tous les membres du conseil.

À travers cette épopée, qui a vu certains hauts fonctionnaires de Saint-Jérôme mis en cause et blâmés par leurs ordres professionnels, Gascon n’a jamais été accusé en rapport avec la collusion qui a marqué son passage à la mairie.. Il y a quand même une touche d’ironie dans cette situation puisque le pourfendeur public de Gascon, Stéphane Maher, qui évoquait même privément un Gascon menotté en 2017, a été condamné pour fraude électorale alors que Gascon n’a encore fait l’objet d’aucune accusation.

Autre temps, autres paroles. Stéphane Maher avait même affirmé à l’époque que la mauvaise presse engendrée par Gascon suffisait pour demander sa démission. « Marc Gascon avait le devoir moral d’annoncer qu’il ne se représenterait pas aux élections de novembre 2013 étant donné que depuis plusieurs mois, notre municipalité fait la une des médias nationaux et régionaux, et malheureusement, pour les mauvaises raisons », avait déclaré Maher à Radio-Canada, en octobre 2012.

Stéphane Maher

Enfin, parlons de l’époque Équipe Stéphane Maher – Vision Saint-Jérôme. Arrivé au pouvoir plein de belles intentions, le parti, fondé par Andrew Hattem et quelques collaborateurs, a misé sur Stéphane Maher comme candidat à la mairie. Hattem, qui a dirigé le parti et que plusieurs voyaient comme un candidat potentiel à la mairie, allait plus tard me confier qu’une des raisons pour lesquelles il n’a pas été candidat est qu’il ne croyait pas que Saint-Jérôme était prête à voter pour un anglophone.

Ce nouveau parti voulait marquer le retour de l’intégrité et de la transparence, et redonner à Saint-Jérôme sa fierté. Mission accomplie pour les contrats publics! Mais pour le fierté et la transparence, on repassera. On connaît tous la fin de l’histoire. Maher a été démis dans la honte. Les Jérômien·ne·s ont aujourd’hui un ex-maire qui a fait de la fraude électorale. Les manchettes, encore une fois, envoient le message que nous sommes le far west de la politique.

Qui était à l’origine de toute cette histoire? Le maire! Celui qui avait le devoir d’incarner le meilleur de nous-mêmes. Appuyé par une équipe de conseillers devenus muets devant ses actions. Pendant plus de deux ans, Saint-Jérôme a vécu dans la parabole des vêtements de l’empereur. Les chuchotements, les sous-entendus et les malaises. Auprès des individus, des organismes, des autres maires de la région.

Ce n’est pas dans un contexte comme celui-là que peuvent avoir lieu les saines discussions publiques que ça prend pour bâtir l’avenir d’une ville qui veut être la capitale de sa région.

Mais c’est pourtant notre point de départ. Alors il faut se cracher dans les mains, travailler ensemble, et décider ce qu’on veut devenir. Au coeur de cette ville, dans un magnifique parc, nos ancêtres ont érigé une statue pour rappeler le leadership d’Antoine Labelle, curé de profession. Il suffit de regarder vers le haut pour la voir. Regarder haut et loin. Ce sera le sujet de mon deuxième texte.

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6 réflexions à propos de <i>Ville sympathique, jolie, pleine de potentiel, cherche dirigeant·e intègre et rassembleur·se</i>

  1. M. Michaud, vous êtes d\’un négativisme démoralisant.
    Ce qui est reproché à M. Maher est simplement une manœuvre maladroite pour éliminer un candidat qu\’il ne voulait pas. Tout ce qui se passe depuis cet évènement ressemble à une manœuvre orchestrée par le PQ et PKP. D\’ailleurs, le nouveau candidat à la mairie est aussi un produit du PQ. St-Jérôme a progressé depuis 10 ans grâces aux conseils en place.

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    • Bonjour M. Rioux, plein de gens font des manoeuvres maladroites tous les jours et ne sont pas condamnés par des juges. Il a été prouvé que M. Maher a menti plus d’une fois au cours de son mandat. Quant au « complot péquiste » dont vous parlez, quels sont les faits qui appuient votre théorie? Si vous voulez déguiser vos fantasmes en réalité, on vous invite à raconter vos histoires ailleurs qu’ici, ou de nous les envoyer pour publication dans la catégorie Fictions.

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  2. Très bon résumé de l\’histoire de 3 maires avec qui j\’ai travaillé. Soit Maurice Prud\’homme, Denis Germain et Marc Gascon. À la lecture du texte, j\’ai été submergé de souvenirs quelquefois heureux et d\’autres fois tristes. Je dois toutefois dire que j\’ai vécu à Saint-Jérôme une des périodes de ma vie des plus excitantes.

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  3. Excellente synthèse historique qui mène à une véritable réflexion quant à l\’importance de bien choisir nos représentants politiques et je suis d\’accord avec vous quand vous dites que ce ne sont pas toujours les meilleurs qui gagnent, faire de la politique, ç\’ est un engagement humble et noble. Parmi les principales qualités pour s\’engager en politique : avoir à coeur le souci du bien commun , authenticité, écoute, solidarité , bien sûr, toujours faire le choix de l\’intérêt collectif avant l\’intérêt personnel. Car la motivation premières d\’un ou d\’une bon(ne) leader politique, \ »c\’est de rendre le monde meilleur qu\’il était lorsque nous y sommes arrivés \ »(Baden Powel).

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  4. M. Michaud
    Votre texte est sans équivoque le circuit que nous avons vécu comme citoyens citoyennes de saint Jérôme. Je suis un natif de Saint Jérôme et j\’ai vue développer notre ville sous la gouverne de ces personnes. Saint Jérôme est une ville ou il est fait bon vivre
    qui est entrain de perdre ces racines, le passage d\’élues avides de pouvoir comme vous le démontré si bien dans votre texte doit nous rappelez à l\’ordre comme Jérômien , Jérômienne car nous vivons un moment «malheur sement» historique pour notre villes.
    Pour l\’avenir de Saint Jérôme ce sera à nous comme citoyens citoyennes d\’établir nos critères afin de faire respecter nos droits, nos ambitions, notre avenir
    Ronalds Raymond

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