André Marion souhaiterait que la loi abolisse les écarts de salaires entre conseillers municipaux dans le but d'empêcher un maire de pénaliser financièrement un conseiller qui ne partage pas son point de vue.

La fin des partis politiques municipaux? Une réflexion d’André Marion

La rédaction de TopoLocal 2 commentaires

En cette année d’élections municipales, cette lettre d’opinion se veut un questionnement sur la nécessité des partis politiques municipaux. Ex-conseiller municipal, André Marion est l’un des deux principaux témoins qui ont mené à la condamnation du maire de Saint-Jérôme, Stéphane Maher, reconnu coupable de manoeuvre électorale frauduleuse.

Déjà, dans les années 1940, Simone Weil affirmait : « les partis politiques sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice. »

Si la pertinence des partis politiques et surtout de cette règle implicite de ligne de parti peut soulever des doutes au niveau provincial ou fédéral, elle doit sérieusement remettre en question sa raison d’être au niveau municipal. 

Chaque quatre ans, en vue des élections municipales, des partis se forment. Des candidats sont sélectionnés autour d’un candidat ou d’une candidate à la mairie. Ils doivent partager les mêmes valeurs ainsi que les mêmes intérêts et avant tout, avoir le désir de vaincre leurs adversaires et d’être élus. D’autres, soit parce qu’ils n’ont pas été choisis ou parce qu’ils ne partagent pas la même vision, se présentent en tant qu’indépendants. S’ils sont élus, ils doivent se contenter d’être à l’arrière-ban et ne pas avoir de responsabilités souvent lucratives, à la tête de commissions ou comités.

Afin d’effectuer leur campagne électorale, les partis politiques municipaux organisés sont nettement avantagés par rapport aux candidats indépendants. À lui seul, le défi financier que représente une campagne électorale fait pencher la balance du côté du pouvoir que représente l’appui d’un parti politique pour en compenser les coûts. 

Ce qui a amené le Directeur général des élections du Québec(DGEQ) à soutenir principalement les partis politiques. Ce sont les recherches universitaires qui prouvent que les partis politiques et leur « machine électorale » peuvent, par leur impact médiatique, leur programme électoral et leur présence constante dans les débats publics, sensibiliser le plus grand nombre de citoyens et les inciter à aller voter. Statistiques à l’appui, la participation des citoyens aux dernières élections municipales était de 44,8% alors qu’au niveau provincial, le taux de participation était de 66.45%.

L’effet pervers des partis et surtout de la ligne de parti

André Marion en compagnie de Stéphane Maher et Gilles Robert à une époque où l’harmonie semblait régner au conseil municipal de Saint-Jérôme.

Une fois élu, le maire peut se retrouver avec une majorité de conseillers de son propre parti, les autres étant soit indépendants ou de partis différents. La tendance actuelle est d’exclure ces conseillers, pourtant élus légitimement, des comités et commissions souvent lucratives. En résumé, les conseillers qui ne sont pas dans le parti majoritaire voient leur privilège réduit. Ils n’ont plus de responsabilité autre que lors des réunions du conseil et ne peuvent non plus accéder à l’exécutif ou même, dans certains cas, recevoir la même information que leurs collègues. Je considère que cette façon de fonctionner laisse place aux abus de pouvoir. 

Selon moi, ce processus qui a été calqué sur les gouvernements supérieurs, n’a pas sa place au niveau municipal. Les municipalités regroupent le plus souvent un petit nombre de conseillers, tous choisis par les citoyens des quartiers qu’ils représentent, et devraient avoir droit aux mêmes privilèges, quel que soit le parti qui est au pouvoir. 

Quant à la ligne de parti, elle a l’effet pervers de museler tous ceux et celles qui oseraient s’opposer ou simplement remettre en question certains points, allant même à renoncer à certaines valeurs personnelles. 

En juin 2019, cinq conseillers de la Ville de Longueuil décidaient de siéger en tant qu’indépendants. Dans le communiqué émis, l’un d’eux expliquait sa décision en affirmant qu’il était nécessaire de s’éloigner de « toute politique partisane » afin de « réussir mon objectif premier, soit celui d’améliorer la qualité de vie de chacun des citoyens de mon district ».

Le cas de la Ville de Saint-Jérôme est limpide à ce sujet. Malgré la mise en accusation du maire sur des preuves flagrantes de malversation électorale, tous les membres de son parti l’ont appuyé sans réserve. Ils ont même reçu l’ordre de ne faire aucun commentaire public à ce sujet.

Le droit à la dissidence

Tout ceci m’amène à la conclusion que les partis politiques servent de machine électorale et sont favorisés par le système simplement parce qu’une étude a démontré que la présence de partis favorisait la participation citoyenne. Les candidats indépendants ne jouissent pas des mêmes avantages que les partis. Par exemple, les partis qui ont obtenu au moins 1% des votes reçoivent une allocation annuelle. Il est évident que cet argent qui entre dans les coffres des partis leur donne une longueur d’avance sur les indépendants pour l’élection suivante. 

Pour être plus clair, je suis convaincu que pour le bien des citoyens des petites et moyennes municipalités (et certaines plus grandes), l’idéal serait d’avoir un conseil municipal composé exclusivement de conseillers indépendants qui auraient tous les mêmes droits et privilèges, puisque chacun aura été élu de la même façon en faisant valoir les idées et principes qu’il veut défendre. 

Tant que ce système électoral ne sera pas modifié, je demande au ministère des Affaires Municipales et de l’Habitation de légiférer pour uniformiser le salaire des conseillers en se basant sur le nombre de citoyens de la ville. Qu’une loi interdise formellement un maire de pénaliser financièrement un conseiller qui ne partage pas son point de vue.

La Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale est une excellente chose et ceux et celles qui ne s’y conforment pas se font taper sur les doigts. Je demande à la ministre d’inclure dans cette loi un droit à la dissidence. Je demande aussi à la ministre que les manquements au code d’éthique et de déontologie, ainsi que la protection d’un élu à son droit à la dissidence, soient sanctionnés plus sévèrement afin d’avoir un effet dissuasif clair.  

Je n’ai pu réaliser qu’un seul mandat jusqu’à présent et j’espère ne plus jamais avoir à entendre cette phrase « C’est comme ça la politique », qui sous-entend qu’on peut se permettre l’hypocrisie, la trahison et l’injustice. 

Stéphane Maher, maintenant ex-maire de Saint-Jérôme, se croyait au-dessus de tout. Il a voulu s’entourer d’un conseil composé exclusivement de personnes à son image. Aujourd’hui, reconnu coupable, il n’est entouré que de honte.

Références

Mévellec, Anne et Tremblay, Manon, Les partis politique municipaux : la « westminsterisation » des villes du Québec ?

Breux, Sandra, À quoi servent les partis politiques municipaux ?

Dostie, Ali, Courrier du Sud, Cinq conseillers quittent l’opposition à Longueuil, 10 juin 2019

Allocation versée aux partis politiques, Élections Québec

La citation de Simone Weil est tirée de l’essai du sociologue Jacques Lazure, www.abolirlespartispolitiques.ca.

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2 réflexions à propos de <i>La fin des partis politiques municipaux? Une réflexion d’André Marion</i>

  1. Je reconnais par le texte d\’André, l\’expérience que l\’on a vécu avec Vision St-Jérôme. Un parti politique municipal est très éphémère par rapport au provincial ou fédéral. Pour maintenir en vie un parti politique municipal, il faut une cinquantaine de membres. Et qui en est membre? il y a douze candidats plus le maire alors les membres sont les conjoints, le père, la mère, le frère, la soeur, la belle-mère, le beau père, bref l\’entourage de chaque candidats et hop, on franchit la barre des 50 facilement. Quand arrive un événement comme une expulsion de candidats, comme nous avons vécue et qui est faite sans le respect des règlements du parti, qui pensez-vous va présenter une motion de blâme lors d\’une assemblée générale du parti en question? Personne. Bref, les partis politiques sont une coquille vide pour avoir un retour de financement au lendemain des élections. Certains peuvent se présenter en équipe et prétendre que tous aurons la liberté de parole par la suite. Généralement le candidat-maire se choisit 12 chums pour ne pas être contesté après, mais cela a belle apparence avant les élections! Ce fut le cas en 2017, est-ce que ce sera encore le cas en 2021? La vrai solution, abolition des partis ou des équipes, seulement que des indépendants, mais tant que cela n\’est pas force de loi, il devient difficile de se présenter sans une équipe.

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  2. Hors du parti, point de statut

    Les partis politiques municipaux ne sont en fait que des regroupements ponctuels d’individus – de bonne foi, le plus souvent – ayant initialement en commun le désir de servir leur communauté. L’expérience nous aura cependant démontré que ces partis finissent immanquablement par ne voir qu’à leur propre survie et ne servir que les intérêts des personnalités fortes qui en émergent et qui, ultimement, les dirigent.

    Si à une certaine époque ces regroupements électoraux – le terme équipes serait plus approprié – ont vu le jour grâce aux ressources et à l\’appui des partis politiques nationaux et de leurs machines électorales, les partis municipaux des récentes années auront surtout été formés autour de pseudos programmes, le plus souvent interchangeables, concoctés par des professionnels de la communication au service de nébuleux groupes d’intérêts. Les retours d’ascenseurs deviennent alors inévitables…

    Au lendemain de l’élection, les caciques de l\’équipe majoritaire au « pouvoir » auront rapidement vu à écarter les élus des autres équipes, les cas échéant, en les confinant à un simple rôle d’opposition. Tout ceci en muselant leurs propres membres dans une improductive ligne de parti, les récompensant en cela par l’attribution de ronflantes responsabilités, évidemment rémunérées en surplus de leur allocation de base.

    Les citoyens ont évidemment peine à se reconnaître dans ces conseils municipaux où la servile figuration autour du maire ou de la mairesse est la norme. Le bon peuple fait rarement partie de la cour. Dans le meilleur des mondes, les conseillers municipaux devraient être indépendants et ne devraient être redevables qu’à leurs commettants. L’intérêt de la municipalité et celle du citoyen devraient être au centre de leur action et de leurs préoccupations, sans égard au « parti » qui les aurait aidés à se faire élire.

    Cependant, à voir ce qui se prépare pour la prochaine élection – il y a du repêchage dans l’air –, on peut affirmer que les partis politiques municipaux ont encore la cote. Dans ce système, la voix des indépendants, aussi légitime soit-elle, restera toujours sans écho. Faudra-t-il continuer de se contenter d’assemblées municipales où le choc des ego remplace le choc des idées? Mettre fin au système de partis est peut-être le début de la solution.

    Robert Charland

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