On ne devrait pas écrire sur la politique avec des gants de hockey

Charles Michaud 7 commentaires

Les opinions publiques ne font jamais l’unanimité. Heureusement. Même les évidences ont parfois du mal à être reconnues objectivement. Il y a encore des personnes, on le sait, qui croient que la planète qu’on habite n’est pas ronde.

Et beaucoup des grands échecs de l’humanité tiennent au fait qu’on place la croyance au-dessus de la raison. Vous voyez? Déjà, en quelques lignes, j’ai déclenché des débats internes.

Mais si vous le voulez bien, on discutera une autre fois des faits, et de la meilleure façon pour les médias de les communiquer.

Aujourd’hui, je veux vous parler de l’opinion qu’on lit dans les éditoriaux et les chroniques. Nos médias regorgent de chroniqueurs de toutes sortes. Je suis de ceux qui croient que cette diversité est essentielle et enrichissante.

Je lis tous les jours des choses qui sont intéressantes, inspirantes, et stimulantes. Évidemment, je lis aussi beaucoup de banalités, de populisme, de généralités et de préjugés. Les médias, grands et petits, valsent parfois entre l’information et l’industrie du spectacle. Certains chroniqueurs sont de véritables journalistes. D’autres sont d’abord des célébrités.

J’ai récemment publié un commentaire sur l’élection municipale de Saint-Jérôme que j’ai intitulé « ma boussole électorale ». J’ai voulu en faire une analyse objective, même si je sais autant que les lecteurs que le texte découle des observations subjectives que j’ai faites en assistant aux assemblées du conseil municipal depuis une dizaine d’années, d’une vie passée dans l’information, et d’une passion pour la chose publique et les médias.

Mes petites marottes personnelles y sont sans doute. Il y a certainement des gens qui détestent mes propos.

Je n’ai d’ailleurs aucunement la prétention d’avoir livré un modèle de chronique électorale municipale. Je vous avoue qu’un des grands inconforts de la vie d’un journaliste c’est de relire ses textes et de voir, ici et là, des phrases qui auraient pu être mieux tournées, des faits qui mériteraient d’être éclaircis, ou encore des idées qui ont mal vieilli.

Évidemment, quand on y trouve des erreurs, on rectifie. Mais pour l’essentiel, mon commentaire tente d’offrir une opinion qui repose sur des faits et des arguments et non sur des impressions, et sur des intérêts qui dépassent les miens. Sans cette constante vigilance, un journaliste risque d’en arriver vite à encenser des chums, à régler des comptes et à parler de son terrain.

Voilà le vif du sujet et voilà qui explique un certain malaise de ma part. Je suis généralement complice de tout le travail journalistique qui se fait localement, malgré ses faiblesses. Les journalistes locaux travaillent dans des conditions souvent difficiles, coincés entre leur devoir de probité et les intérêts commerciaux de leurs éditeurs.

Mais je crois aussi qu’il faut appeler un chat un chat, même quand je lis du mauvais journalisme. Je n’ai pas de comptes à régler avec Mathieu Locas, qui chronique dans le journal Infos Laurentides. Je ne lui souhaite que du bien et une vie heureuse. Mais sa plus récente chronique fait partie de la discussion publique et, hélas, à mon humble avis, elle y contribue bien peu.

Je ne donnerai pas de leçons de journalisme. Il vous appartient à vous, chers lecteurs, de décider de la qualité de ce que vous lisez, tout comme il vous appartient de continuer ou non à me lire. Mais si vous le voulez, j’exprimerai dans les lignes qui suivent ce que je pense de sa chronique du 3 novembre, dont le titre Mes prédictions est écrit plus petit que le nom de son auteur.

M. Locas annonce donc ses prédictions pour l’élection municipale à Saint-Jérôme. On croirait lire un journaliste sportif qui prédit un match de hockey. Je sais, c’est une chronique et c’est nettement un texte d’opinion. J’en conviens. Comme celui-ci d’ailleurs.

Croyez-moi, je n’ai aucune objection à ce qu’un journaliste utilise le «je» de l’auteur pour bien expliquer ses perceptions et faire part de ses analyses. Je vous dis cependant que j’éprouve un malaise quad ce «je» devient trop gros, qu’il prend trop de place, et que le «je» de l’auteur devient le sujet principal d’un texte.

Dans son texte du 3 novembre, il ne faut que quelques lignes à M. Locas pour s’accorder le droit de se tromper, pour s’auto-féliciter pour sa couverture de la campagne, et pour accepter le blâme pour la défaite des candidats perdants, comme si son influence allait être décisive. Permettez-moi d’emprunter son style plutôt cliché le temps d’une courte phrase: il ne se prend pas pour un 7up «flat».

Viennent ensuite ses évaluations et ses prédictions.

D’abord Janice Bélair-Rolland, entrée au conseil municipal dans la foulée d’une manoeuvre illégale de Stéphane Maher en 2017, puis projetée à la mairie il y a à peine 8 mois, lui semble « la plus expérimentée » pour diriger Saint-Jérôme. Et cela, ajoute Locas, même si son parti est « le plus faible des trois dernières élections ».  

Dans son explication, Locas ajoute que Bélair-Rolland s’est levée pour déplorer qu’Autobus Lion ait choisi d’installer son usine à Mirabel plutôt que sur des terrains que la Ville voulait vendre à la compagnie. Encenser la mairesse pour cette sortie publique est risible. D’abord sa sortie, pour ceux qui croient que Lion aurait dû s’installer à Saint-Jérôme, a été un échec.

En second lieu, la mairesse, lors d’une entrevue que j’ai faite avec elle à la suite de sa déclaration, a trouvé le moyen de dire qu’elle était « du genre à appeler le président de Lion pour lui en parler » tout en avouant bien candidement qu’elle ne l’avait pas appelé. Comment peut-on se dire « du genre à appeler » quand on n’appelle pas? C’est une autre de mes questions à laquelle Mme Bélair-Rolland n’avait pas de réponse.

En troisième lieu, comment expliquer que Mme Bélair-Rolland ait été si rébarbative à débattre sur la place publique quand son chef Stéphane Maher a été accusé de fraude électorale et qu’elle retrouve soudainement le goût d’une discussion publique à la suite d’un dossier négocié avec une entreprise privée? Toute cette affaire sent plutôt le manque d’expérience et une position de panique de la part d’une mairesse recrue. 

Il n’y a aucune démonstration dans ces événements de l’expérience qui est requise pour diriger Saint-Jérôme, encore moins d’une expérience qui serait vaguement aussi importante que celle de Marc Bourcier, qui a été conseiller et député. Quant à la valeur de l’expérience de Mme Bélair-Rolland comparativement à celle de Marc-Olivier Neveu, je vous soumets la piste de réflexion suivante: croyez-vous vraiment que Marc-Olivier Neveu aurait été du genre à rester muet pendant quatre ans devant les manoeuvres illégales de Maher?

Pourtant, Locas a trouvé que l’expérience de Mme Bélair-Rolland étoffe sa position.

Ses arguments ne sont pas plus forts non plus quand il tente d’affirmer que Marc Bourcier, en défendant une amélioration du système d’alerte aux citoyens, aurait « promis une chose déjà faite ». Même les adversaires les plus décidés de Bourcier n’auraient pas la malhonnêteté intellectuelle d’essayer de dire que Bourcier ignorait l’existence des alertes AVISJ. Mais c’est ce que Locas a choisi de retenir.

Le chroniqueur a ensuite essayé de dire que Marc-Olivier Neveu serait le dauphin que voit Bourcier pour lui succéder. Un autre pas tout aussi obtus dans le raccourci intellectuel. Un pas que Locas franchit sans peine. Il est vrai que Marc Bourcier a déjà laissé entendre plutôt clairement qu’il entend faire un seul mandat à la mairie.

Il est vrai qu’il a évoqué qu’il serait intéressant de voir des jeunes à l’hôtel de ville. Il est même vrai que Marc Bourcier a nommé Marc-Olivier parmi les jeunes personnes intéressantes actives en politique municipale. Mais laisser entendre que Bourcier « voit » Neveu à la mairie est un raccourci risible, qui semble n’avoir aucun autre objectif que de discréditer les deux candidats.

Notre chroniqueur ne s’arrête pas là. Il affirme avoir démontré de la part de M. Neveu un « manque de compétence et de connaissances immobilières », et nous sert une expression digne de «Rocky» Rhéaume Brisebois en ajoutant que M. Neveu n’aurait pas « les outils dans son coffre pour diriger une ville comme Saint-Jérôme ». Si M. Locas croit que M. Neveu n’a pas les qualités requises pour être maire d’une ville, qu’il écrive lesquelles.

Un bien triste raccourci de la part d’un journaliste qui a animé l’un des débats locaux les plus désorganisés que j’ai vu dans ma vie à Saint-Jérôme, et qui a décidé ce soir-là que lui seul, l’animateur du débat, pouvait pontifier sur la valeur réelle des terrains entourant le parc du lac Jérôme.

En bref, voici sa position: au cas où vous ne comprendriez rien à l’immobilier, fiez-vous aux 18 ans que M. Locas a passés à acheter, rénover, construire et gérer des propriétés. C’est le far west et l’anarchie dans le monde de la construction, dit-il, donc Marc-Olivier n’y comprend rien. Des arguments? Une démonstration de cette idée? Autre chose que de l’insulte et de l’arrogance? Hélas non, c’est tout le venin que M. Locas avait à cracher.

Je me demande comment notre ville ferait pour s’y comprendre si nous n’avions pas sa chronique. Mais non! C’est du sarcasme.

M. Locas poursuit en nous livrant ce qu’il a vu dans sa boule de cristal pour chacun des quartiers. Je vous invite à le lire si vous êtes encore intéressé. Pour ma part je l’ai lu, puisque le journalisme que je pratique m’impose de lire à peu près tout. Mais je n’en ai rien retenu.

Je le redis: Mathieu Locas a parfaitement le droit de soutenir ses points de vue et il se trouve sans doute des gens pour applaudir sa pensée. Mais pour ma part, chaque fois que je le lis, je déplore qu’il ne trouve pas de moyen d’enrichir le débat.

Peut-être que je suis de la vieille école, mais je m’attends à plus de la part d’un journaliste qui cumule au moins 20 ans d’expérience et dont la chronique est imprimée sur du papier et livrée chaque semaine dans votre boîte aux lettres à plus de 40 000 exemplaires. Je vous rappelle que des arbres ont été coupés pour que vous puissiez lire sa chronique.

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7 réflexions à propos de <i>On ne devrait pas écrire sur la politique avec des gants de hockey</i>

  1. Effectivement, les intérêts personnels de monsieur Locas sont souvent au cœur de ses chroniques, ce qui fausse souvent le débat. Vivement que ces élections municipales soient derrière nous afin que nous puissions regarder devant!

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  2. M. Michaud, je ne peux que vous féliciter de cette chronique très enrichissante pour les citoyens(nes) de la ville. Vous mettez le doigt sur un des pires « bobos » qui sévissent à St-Jérôme et j’ai nommé un chroniqueur qui réussi à faire suer tout le monde, Locas et je sais très bien que je ne suis la seule à le penser. En effet, le débat que j’ai regardé que présidait Locas, j’en croyais pas mes yeux qu’il soit aussi inexpérimenté en la matière, ça écorchait les yeux et les oreilles…non, mais toute une ratée…woww !! J’essaie de trouver qui aurait pu faire pire et non…personne ne me vient à l’esprit. Il est aussi clair que de voir un éléphant dans un magasin de porcelaine que Locas a un parti pris pour Vision et ce n’est pas d’hier que nous nous en sommes apreçu. Pense-t’il réellement que parce qu’ils est chroniqueur depuis longtemps qu’il a le poids voulu pour faire pencher la balance du côté de Janice? Si il a été invité à prendre le thé avec sa majesté, il est temps qu’il comprenne que sa majesté est « gone with the wind » et pour le restant de nos jours. Je ne crois pas que notre bon peuple va oublier de sitôt les frasques de Janice pendant le court laps de temps (que nous avons perçu comme un siècle) où elle a régné…jamais je n’avais vu une personne ne pas être à sa place autant qu’elle. Locas et elle font toute une paire, je dirais même tout un triangle avec Simon Gerahty (celui qui tient les ficelles de Janice dans l’ombre), hé! oui, ça aussi tout le monde le sait. Oui, Locas est un « me, myself and I », il ne pense qu’à ses propres intérêts même au prix d’induire les lecteurs en erreur si ça lui apporte quelque chose. Aujourd’hui, le 7 novembre 2021, c’est ici que s’arrête toute cette pagaille. Locas aura perdu des plumes et beaucoup de crédibilité et nous, heureux citoyens(nes) gagneront enfin une administration laquelle on espère honnête et humaine, de toutes façons, on ne pourra jamais avoir pire que Vision.

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  3. Merci M. Michaud d’avoir, avec toutes vos années d’expérience en journalisme, exprimé avec les bons mots ce que nous constations nous aussi mais que nous n’aurions pas commenté d’aussi belle (et vraie façon). Ça fait longtemps que M. Locas a perdu son objectivité ; rappelons-nous seulement son parti pris pour le conseiller Beaulieu, son ami, qui selon lui, était l’homme qu’il nous fallait comme maire. M. Beaulieu ? Vraiment ? Celui qui ne parlait pas plus que les autres lorsque M.Maher était maire mais qui, lorsqu’il s’est décidé `a le faire (après le départ du dit maire), aboyait plus qu’il ne discutait ? Espérons que les citoyens auront un regard éclairé en cette journée de vote.

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  4. 31%. 4 prédictions exactes sur 13. C’est le taux de réussite des prédictions de monsieur Locas. C’est un échec. Par contre, 38% (5 sur 13) des candidats qu’il voyait gagnants se sont retrouvés bons derniers dans les résultats. Il faut croire que ses critères d’analyse ne tenaient pas la route. D’un autre côté, il semble que les citoyens de St-Jérôme avaient le même souhait que vous monsieur Michaud: congédier Vision St-Jérôme. Il n’en reste plus trace (à moins d’un recomptage éventuel). Ceci étant dit, je souhaite que monsieur Locas agisse avec professionnalisme et ne transforme pas cet épisode en guerre de tranchée entre vous et lui. Si tel est le cas, j’espère que vous saurez laisser le loup hurler seul et lécher ses plaies.

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